A)
Être street artiste, œuvrer dans l'ombre
Un
street artiste, comme son nom l’indique, est un individu qui exerce
son art dans la rue. Il se sert de tous les éléments à sa
disposition dans un lieu public pour donner du relief à ses œuvres
et à ses idées. Pour lui, l’art urbain est une manière d’exposer
sa vision du monde au regard de tous, ainsi il est sûr de toucher un
maximum de personnes et de se faire remarquer.
Le
danger n’arrêtera jamais l’artiste de rue, car il vit pour le
risque. Son quotidien se résume à trouver des endroits qui, quand
ils seront recouverts par ses œuvres, attireront l’œil des
passants de manière inopinée. C’est à dire, des lieux très
souvent placés en hauteur qui nécessitent une grande habileté et
des capacités physiques, comme la façade d’un haut immeuble ou
sur une grue. Cet art étant considéré comme illégal, l’artiste
est d’autant plus soumis à des risques très importants.
Au
lycée, nous avons eu la chance d’aller au cinéma voir Vandal,
film de Hélier CISTERNE qui a pour sujet l’adolescent, mais qui
était confronté au monde de l’art urbain et à ses lois. Ce film
nous a donc révélé ce qu’était la vie dans la peau d’un
street artiste, et elle s’avère parfois difficile. Les problèmes
avec la police, la compétition entre artistes qui pousse parfois
l’individu à des actes de provocation ou encore la question de la
reconnaissance et du talent. Evidemment, ce film n’est pas une
généralité, et les rapports entre artistes ne résultent pas tous
du conflit. Par exemple, une scène d’un film nous montre que cet
art est également basé sur l’entraide des artistes, lorsque, la
nuit, la bande de jeunes se retrouve pour peindre sur un mur.
Certains peignent pendant que les autres surveillent l’arrivée de
la police pour éviter de se faire embarquer. Ce long-métrage nous
montre certains côtés sombres du street art. Il nous présente
également la passion dévorante des artistes pour leur art, prêts à
tout pour pouvoir s’exprimer à leur manière.
Le
street artiste souhaite généralement faire passer un message, ou sa
propre vision de l’art. C’est pourquoi on retrouve souvent dans
les œuvres des faits d’actualité, des sujets graves, comme la
guerre ou la dictature, ou des figures de la pop culture auxquelles
peuvent s’identifier n’importe quel passant.
Pour
réaliser ses œuvres, le street artiste peut utiliser du matériel
différent, qui l’aidera à créer des reliefs, des dégradés,…
Les techniques les plus fréquemment utilisées sont les mosaïques,
les papiers collés, le graff la peinture ou encore
la bombe. Mais un artiste aime et cherche à innover ! Comme la
street artiste, Stoul, que nous avons eu la chance de pouvoir
contacter, qui se sert souvent d’objets de « récup »
pour mettre en valeur ses œuvres, leur donner du relief, comme des
brillants ou des crochets.
Un
artiste de rue, pour travailler, se doit également d’avoir un
atelier. C’est en ce lieu que seront confectionnés les croquis des
artistes. Ils y entreposent leur matériel, leurs idées ou leurs
collages, et y passent la majeure partie de leur temps. La street
artiste Stoul, lorsque nous lui avons demandé si elle possédait un
atelier, nous a répondu : « Oui, c'est
important d'avoir un endroit dédié entièrement à mon travail.
Dans mon atelier je peins et prépare mes projets, j'y reçois aussi
mes partenaires et les personnes qui souhaitent me rencontrer en
dehors des événements. ». Un atelier est donc un endroit
indispensable à la mise en œuvre du travail d’un street artiste.
B) Ce qu'en dit la législation
Le
street art se trouve être une activité souvent sévèrement
réprimée, car, en un sens, il s’agit d’une dégradation d’un
bien commun. Un street artiste n’ayant pas eu de demande
particulière pour exercer son art dans un lieu public risque une
très forte amende, ou même l’emprisonnement. Des lois ont été
votées, et deux articles du code pénal ont pour sujet les peines
encourues pour ces dégradations publiques.
Ci-contre,
les articles en question :
-
Article 322-1 Modifié par Loi
n°2002-1138 du 9 septembre 2002 – art. 24 JORF 10 septembre 2002
La
destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien
appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de
30000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un
dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des
dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les
véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de
3750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt
général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger.
-
Article 322-2 Modifié par LOI
n°2008-696 du 15 juillet 2008 – art. 34
L’infraction
définie au premier alinéa de l’article 322-1
est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende
et celle définie au deuxième alinéa du même article de 7 500
euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général,
lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est :1° Destiné
à l’utilité ou à la décoration publiques et appartient à une
personne publique ou chargée d’une mission de service public. 2°
Un registre, une minute ou un acte original de l’autorité
publique.
Lorsque
l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est
commise à raison de l’appartenance ou de la non appartenance,
vraie ou supposée, de la personne propriétaire ou utilisatrice de
ce bien à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée, les peines encourues sont également portées à trois
ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.
Cependant,
on remarque dans certains cas que la police reste assez souple sur le
sujet. En effet, dans une partie des cas où un individu se fait
prendre sur le fait, il peut éviter l’amende et s’en sortir avec
un simple rappel à la loi, s’il reconnaît les faits et qu’il
montre un minimum de respect face aux policiers. Il s’agit
évidemment d’un cas de dégradation minime, où l’artiste ne
s’est pas sérieusement attaqué aux biens d’autrui.
Lorsque
nous avons rencontré le street artiste Dan 23, nous lui avons
demandé s’il avait déjà rencontré des problèmes avec la
police. Il nous a dit : « Oui
souvent, mais comme je choisis des murs abandonnés, que je peins des
portraits pas juste des tags, qu'en plus je peins en plein jour, je
leur explique ma démarche et donc pénalement ils ne peuvent pas
faire grand chose contre moi. Mais des fois ils n'ont pas le choix,
s'il y a eu une plainte. Si le propriétaire du mur à laissé son
mur à l'abandon et qu'il pose une plainte contre moi, je réponds qu'il peut aussi porter plainte contre ceux qui ont collé des
affiches ou dégradé son mur avant moi. ». La même question
fut posée à la street artiste Stoul, qui nous a répondu :
« Oui, maintenant
j'essaye d'avoir des autorisations afin d'éviter au maximum les
problèmes, mais ce n'est pas toujours évident... ».
C)
Le cas du mur de Berlin
Le street art engagé
Le mur avant sa chute
Le Mur de Berlin est une figure
emblématique de la guerre froide, il a été un support de nombreux
tags réclamant la liberté et pointant du doigt l'oppression.
Après la capitulation du 8 mai
1945, Berlin fut séparé en quatre parties. Occupé à l'Ouest par
la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne, à l'Est par
l'URSS.
La République Fédérale
d'Allemagne (RFA) fut créée en 1949, contrôlait l'Ouest, tandis
que la République Démocratique Allemande (RDA) contrôlait l'Est.
Pendant la séparation de
nombreux tags ont été réalisés du côté ouest du mur. Le côté
Est est resté blanc, seulement quelques inscriptions y apparaissent,
pour cause, il était gardé et protégé par des barbelés, des
mines, des barrières d'alarme ainsi que des pièges pour tanks.
La chute du mur le 9 novembre
1989 est l'image de la liberté contre l'oppression. L'Allemagne
offre à beaucoup de pays comme le Canada, la France ou l'Argentine
des morceaux du mur pour que le monde n'oublie pas cet important
symbole.
A travers ces tags, les
allemands font passer un message, autant politique qu'humain. Ils
osent se rebeller contre la situation dans laquelle ils se trouvent.
Lors de la réunification de l'Allemagne en 1990, de nombreux
artistes du monde entier se rendent à Berlin. Ils peignent sur le
côté est du mur, créant ce qu'on appelle aujourd'hui, l'East Side
Gallery. Parmi les nombreux tags réalisés, certains sont plus connus
que d'autres.
« Test The Rest »
réalisé par Birgit Kinder.
Ce
tag, fait référence à l'endroit qu'on appelait « le coin des
suicidés ». Au croisement de la Bernauer
Strasse et de la Gartenstrasse, du côté est, avant la chute du mur
de Berlin, les automobilistes fonçaient sur le mur qui se situait en
angle droit et y perdaient ainsi la vie. Sur cette image le trabant,
typique voiture de la RDA, passe à travers le mur, on peut donc
imaginer qu'un certain conducteur y aurait survécu. Birgit Kinder
est née un an après la construction du mur, elle vivait du côté
est. Lorsqu'elle peignit cette œuvre, Birgit décida de la nommer
« Test the Best » (=teste le meilleur), insinuant que le
côté où il fallait vivre était l'ouest. Mais quand sa peinture
fut restaurée en 2009, son auteur préféra la renommer « Test
the Rest ». Le mot « rest » en anglais peut
signifier le reste, mais également la paix. Presque 20 ans après la
chute du mur, l'artiste allemande appelle donc à oublier le passé
et aspire à la paix.
« Le
baiser » réalisé par Dimitri Vrubel.
« Mon
Dieu, aide-moi
à
survivre à cet amour mortel »
Cette
œuvre représente les deux anciens dirigeants de l'URSS et de la
RDA, Leonid
Brejnev et Erich Honecker
entrain de s'embrasser. L'artiste a voulu dénoncer la soumission de
l'Allemagne de l'Est à l'URSS.
Elle
est inspirée d'une photographie prise lors du 30ème anniversaire de
la RDA en 1979 par Régis Bossu. Elle est également peinte sur la
East Side Gallery.
Grâce à cette étude de cas,
nous pouvons voir que les tags permettent une liberté d'expression.
Ici elle aspire à la liberté autant politique que sociale mais
permet aussi de dénoncer la politique de l'époque. Les Berlinois
ont voulu peindre leur tristesse, souvent liée à la séparation
familiale ou à un mauvais choix politique. Que le tag soit réalisé
sur un mur emblématique comme à Berlin ou sur le rideau en fer
d'une petite boutique, il peut faire passer un message. Après la
chute du mur les peintures murales étaient autorisées et même
encouragées à être réalisées sur celui-ci afin de permettre une
autre vision de cette époque. Une vision qui amènerait autant à
dénoncer qu'à apaiser les esprits.
Cet épisode historique est un
modèle pour les street artistes qui utilisent cet art pour faire
connaître leur opinion, même s'il sont inconnus.
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