samedi 7 mars 2015

I- Le street art, un art clandestin...

A) Être street artiste, œuvrer dans l'ombre

Un street artiste, comme son nom l’indique, est un individu qui exerce son art dans la rue. Il se sert de tous les éléments à sa disposition dans un lieu public pour donner du relief à ses œuvres et à ses idées. Pour lui, l’art urbain est une manière d’exposer sa vision du monde au regard de tous, ainsi il est sûr de toucher un maximum de personnes et de se faire remarquer.
Le danger n’arrêtera jamais l’artiste de rue, car il vit pour le risque. Son quotidien se résume à trouver des endroits qui, quand ils seront recouverts par ses œuvres, attireront l’œil des passants de manière inopinée. C’est à dire, des lieux très souvent placés en hauteur qui nécessitent une grande habileté et des capacités physiques, comme la façade d’un haut immeuble ou sur une grue. Cet art étant considéré comme illégal, l’artiste est d’autant plus soumis à des risques très importants.
Au lycée, nous avons eu la chance d’aller au cinéma voir Vandal, film de Hélier CISTERNE qui a pour sujet l’adolescent, mais qui était confronté au monde de l’art urbain et à ses lois. Ce film nous a donc révélé ce qu’était la vie dans la peau d’un street artiste, et elle s’avère parfois difficile. Les problèmes avec la police, la compétition entre artistes qui pousse parfois l’individu à des actes de provocation ou encore la question de la reconnaissance et du talent. Evidemment, ce film n’est pas une généralité, et les rapports entre artistes ne résultent pas tous du conflit. Par exemple, une scène d’un film nous montre que cet art est également basé sur l’entraide des artistes, lorsque, la nuit, la bande de jeunes se retrouve pour peindre sur un mur. Certains peignent pendant que les autres surveillent l’arrivée de la police pour éviter de se faire embarquer. Ce long-métrage nous montre certains côtés sombres du street art. Il nous présente également la passion dévorante des artistes pour leur art, prêts à tout pour pouvoir s’exprimer à leur manière.
Le street artiste souhaite généralement faire passer un message, ou sa propre vision de l’art. C’est pourquoi on retrouve souvent dans les œuvres des faits d’actualité, des sujets graves, comme la guerre ou la dictature, ou des figures de la pop culture auxquelles peuvent s’identifier n’importe quel passant.
Pour réaliser ses œuvres, le street artiste peut utiliser du matériel différent, qui l’aidera à créer des reliefs, des dégradés,… Les techniques les plus fréquemment utilisées sont les mosaïques, les papiers collés, le graff la peinture ou encore la bombe. Mais un artiste aime et cherche à innover ! Comme la street artiste, Stoul, que nous avons eu la chance de pouvoir contacter, qui se sert souvent d’objets de « récup » pour mettre en valeur ses œuvres, leur donner du relief, comme des brillants ou des crochets.
Un artiste de rue, pour travailler, se doit également d’avoir un atelier. C’est en ce lieu que seront confectionnés les croquis des artistes. Ils y entreposent leur matériel, leurs idées ou leurs collages, et y passent la majeure partie de leur temps. La street artiste Stoul, lorsque nous lui avons demandé si elle possédait un atelier, nous a répondu : « Oui, c'est important d'avoir un endroit dédié entièrement à mon travail. Dans mon atelier je peins et prépare mes projets, j'y reçois aussi mes partenaires et les personnes qui souhaitent me rencontrer en dehors des événements. ». Un atelier est donc un endroit indispensable à la mise en œuvre du travail d’un street artiste.

B) Ce qu'en dit la législation

Le street art se trouve être une activité souvent sévèrement réprimée, car, en un sens, il s’agit d’une dégradation d’un bien commun. Un street artiste n’ayant pas eu de demande particulière pour exercer son art dans un lieu public risque une très forte amende, ou même l’emprisonnement. Des lois ont été votées, et deux articles du code pénal ont pour sujet les peines encourues pour ces dégradations publiques.
Ci-contre, les articles en question :
- Article 322-1 Modifié par Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 – art. 24 JORF 10 septembre 2002 La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger.

- Article 322-2 Modifié par LOI n°2008-696 du 15 juillet 2008 – art. 34 L’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende et celle définie au deuxième alinéa du même article de 7 500 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général, lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est :1° Destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public. 2° Un registre, une minute ou un acte original de l’autorité publique.
Lorsque l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est commise à raison de l’appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, de la personne propriétaire ou utilisatrice de ce bien à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les peines encourues sont également portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.


Cependant, on remarque dans certains cas que la police reste assez souple sur le sujet. En effet, dans une partie des cas où un individu se fait prendre sur le fait, il peut éviter l’amende et s’en sortir avec un simple rappel à la loi, s’il reconnaît les faits et qu’il montre un minimum de respect face aux policiers. Il s’agit évidemment d’un cas de dégradation minime, où l’artiste ne s’est pas sérieusement attaqué aux biens d’autrui.
Lorsque nous avons rencontré le street artiste Dan 23, nous lui avons demandé s’il avait déjà rencontré des problèmes avec la police. Il nous a dit : « Oui souvent, mais comme je choisis des murs abandonnés, que je peins des portraits pas juste des tags, qu'en plus je peins en plein jour, je leur explique ma démarche et donc pénalement ils ne peuvent pas faire grand chose contre moi. Mais des fois ils n'ont pas le choix, s'il y a eu une plainte. Si le propriétaire du mur à laissé son mur à l'abandon et qu'il pose une plainte contre moi, je réponds qu'il peut aussi porter plainte contre ceux qui ont collé des affiches ou dégradé son mur avant moi. ». La même question fut posée à la street artiste Stoul, qui nous a répondu : « Oui, maintenant j'essaye d'avoir des autorisations afin d'éviter au maximum les problèmes, mais ce n'est pas toujours évident... ».

C) Le cas du mur de Berlin

Le street art engagé


Le mur avant sa chute

Le Mur de Berlin est une figure emblématique de la guerre froide, il a été un support de nombreux tags réclamant la liberté et pointant du doigt l'oppression.

Après la capitulation du 8 mai 1945, Berlin fut séparé en quatre parties. Occupé à l'Ouest par la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne, à l'Est par l'URSS.
La République Fédérale d'Allemagne (RFA) fut créée en 1949, contrôlait l'Ouest, tandis que la République Démocratique Allemande (RDA) contrôlait l'Est.
Pendant la séparation de nombreux tags ont été réalisés du côté ouest du mur. Le côté Est est resté blanc, seulement quelques inscriptions y apparaissent, pour cause, il était gardé et protégé par des barbelés, des mines, des barrières d'alarme ainsi que des pièges pour tanks.
La chute du mur le 9 novembre 1989 est l'image de la liberté contre l'oppression. L'Allemagne offre à beaucoup de pays comme le Canada, la France ou l'Argentine des morceaux du mur pour que le monde n'oublie pas cet important symbole.

A travers ces tags, les allemands font passer un message, autant politique qu'humain. Ils osent se rebeller contre la situation dans laquelle ils se trouvent. Lors de la réunification de l'Allemagne en 1990, de nombreux artistes du monde entier se rendent à Berlin. Ils peignent sur le côté est du mur, créant ce qu'on appelle aujourd'hui, l'East Side Gallery. Parmi les nombreux tags réalisés, certains sont plus connus que d'autres.

« Test The Rest » réalisé par Birgit Kinder.


Ce tag, fait référence à l'endroit qu'on appelait « le coin des suicidés ». Au croisement de la Bernauer Strasse et de la Gartenstrasse, du côté est, avant la chute du mur de Berlin, les automobilistes fonçaient sur le mur qui se situait en angle droit et y perdaient ainsi la vie. Sur cette image le trabant, typique voiture de la RDA, passe à travers le mur, on peut donc imaginer qu'un certain conducteur y aurait survécu. Birgit Kinder est née un an après la construction du mur, elle vivait du côté est. Lorsqu'elle peignit cette œuvre, Birgit décida de la nommer « Test the Best » (=teste le meilleur), insinuant que le côté où il fallait vivre était l'ouest. Mais quand sa peinture fut restaurée en 2009, son auteur préféra la renommer « Test the Rest ». Le mot « rest » en anglais peut signifier le reste, mais également la paix. Presque 20 ans après la chute du mur, l'artiste allemande appelle donc à oublier le passé et aspire à la paix.

« Le baiser » réalisé par Dimitri Vrubel.


« Mon Dieu, aide-moi à survivre à cet amour mortel »

Cette œuvre représente les deux anciens dirigeants de l'URSS et de la RDA, Leonid Brejnev et Erich Honecker entrain de s'embrasser. L'artiste a voulu dénoncer la soumission de l'Allemagne de l'Est à l'URSS.
Elle est inspirée d'une photographie prise lors du 30ème anniversaire de la RDA en 1979 par Régis Bossu. Elle est également peinte sur la East Side Gallery.

Grâce à cette étude de cas, nous pouvons voir que les tags permettent une liberté d'expression. Ici elle aspire à la liberté autant politique que sociale mais permet aussi de dénoncer la politique de l'époque. Les Berlinois ont voulu peindre leur tristesse, souvent liée à la séparation familiale ou à un mauvais choix politique. Que le tag soit réalisé sur un mur emblématique comme à Berlin ou sur le rideau en fer d'une petite boutique, il peut faire passer un message. Après la chute du mur les peintures murales étaient autorisées et même encouragées à être réalisées sur celui-ci afin de permettre une autre vision de cette époque. Une vision qui amènerait autant à dénoncer qu'à apaiser les esprits.
Cet épisode historique est un modèle pour les street artistes qui utilisent cet art pour faire connaître leur opinion, même s'il sont inconnus.

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